Professeure émérite à l’université Claude Bernard-Lyon-I, contemporanéiste et spécialiste de l’histoire des femmes, du genre et des milieux populaires, l’auteure a signé avec Daniel Voldman L’Histoire des femmes en France XIXe-XXe siècle[1]. Elle fut avec Philippe Artières, co-directrice de 68, une histoire collective (1962-1981)[2]. Elle est co-auteur avec Christian Delacroix du stimulant volume La France du temps présent (1945-2005)[3]  qui clôt la collection de l’Histoire de France Belin dirigée par Joël Cornette. Elle est également auteure de Les Luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours[4].

Une rapide et stimulante mise au point

Dans cette mise au point de 80 pages, l’autrice part du succès que connaît actuellement l’histoire globale pour résumer la critique sur une histoire longtemps déconnectée de ses liens multiples avec l’extérieur au nom de logiques nationales. Michelle Zancarini-Fournel ne reprend pas ici la métaphore de l’historien semblable à un électricien chargé de reconnecter les fils mais on peut la rappeler à ceux qui ne seraient pas encore familiers de cette approche[5].

A moins de verser dans le mysticisme ou l’essentialisme, poser la question du devenir des histoires nationales semble donc tomber sous le sens. L’autrice fournit par conséquent une rapide et stimulante mise au point à celui ou celle qui aurait pu se laisser dépasser par ces questions. L’ouvrage est donc à conseiller aux étudiants de master comme aux candidats aux concours.

Roman ou récit national,  identité  nationale, repentance, même combat ?

Le sujet est traité en trois parties. La première[6] rappelle les polémiques franco-françaises de tous bords sur le roman ou récit national avant d’aborder ce qu’a pu être le récit historique en soulignant les évidentes lacunes dont il a pu faire preuve.

Il est rappelé au passage le rôle d’un ouvrage polémique signé d’un historien dans la diffusion de l’idée qu’il existerait une repentance[7]. Les acteurs qu’une vision étroite de l’histoire nationale avait naguère exclus font l’objet de la seconde partie[8]. L’autrice y part du constat que les femmes, le genre, les immigrations ou l’époque coloniale ont longtemps été l’objet de champs de recherche cloisonnés et autocentrés dont la prise en compte des acteurs débouche sur une tout autre histoire de la France. Elle souligne ainsi que « La dichotomie entre une histoire coloniale, devenue impériale, et l’histoire de la métropole devenue hexagonale en 1962, n’est plus de mise ». La remarque est également démontrée pour l’ensemble des autres champs de recherche. En cela, l’ouvrage n’est pas inédit. Jean-Frédéric Schaub[9] mettait par exemple, et à juste titre, en question la pertinence de la catégorie « études coloniales », fondée sur le postulat d’une séparation artificielle entre la France et la dimension coloniale de son histoire.

Ce qu’implique un récit sur l’histoire de la France aujourd’hui

La démonstration de Michelle Zancarini-Fournel aboutit à une partie[10] qui fait largement appel à une comparaison entre la récente Histoire mondiale de la France[11] et un autre ouvrage de l’auteure : Les Luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours[12]. L’ouvrage doit-on être reçu comme une salutaire et brève mise au point de ce qu’implique un récit sur l’histoire de la France aujourd’hui. L’autrice avait déjà plus ou moins répondu à la question dans un volume d’histoire de France Belin d’où certains acteurs n’étaient ni absents ni regardés avec l’exotisme qu’on connut à certaines grandes plumes de « l’école historique » française (songeons à ces malheureuses pages d’un fameux récit des années 1980 sur l’identité de la France).

Cet ouvrage a une évidente utilité pédagogique dans un contexte tendu où les experts omniscients, commissaires politiques et Torquemada autoproclamés du roman national font de la question un fond de commerce (lucratif), prétendant toujours accuser les historiens de méconnaître l’histoire.

Dominique Chathuant

 

 

 

[1] PUR, 2005.

[2] La Découverte, 2008.

[3] Belin, 2010.

[4] Zones / La Découverte, 2016.

[5] Douki, Caroline, et Philippe Minard. « Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? Introduction », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 54-4, no. 5, 2007, pp. 7-21.  renvoyant à Sanjay Subrahmanyam dans « Connected histories: notes towards a reconfiguration of early modern Eurasia », in Victor Lieberman (dir.), Beyond Binary Histories.Re-Imagining Eurasia to c.1830, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1999, p. 761.

[6] « Roman ou récit national,  identité  nationale, repentance, même combat ? »

[7] Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale, Flammarion, 2006.

[8] « Des champs historiques longtemps autonomes et séparés ».

[9] Jean-Frédéric Schaub, « La catégorie « études coloniales » est-elle indispensable ?, Do we need ‘colonial studies’? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 63e année, n°3, août 2008.

[10] « Tentatives pour écrire une autre histoire nationale ».

[11] Patrick, Boucheron (dir.), Histoire mondiale de la France, Le Seuil, 2017.

[12] Op. cit.